Il n'y avait pas vraiment d'autre solution dans cette foutue galère. C'était mourir, ou survivre. Je n'avais jamais compris comment, mais pourtant, depuis toujours, j'avais été de ceux qui restent, qui se battent. C'était peut être cela, qui faisait de moi quelqu'un de dur en affaires. Je ne lâchais rien, jamais, campant sur mes positions, trouvant toujours le point faible de mon client. Si cela faisait de moi quelqu'un de manipulateur ? non. J'avais trop d'éthique pour cela. Je savais seulement parler à mes clients lorsque cela s'avérait nécessaire. Ni plus, ni moins.
C'était exactement ce que je m'apprétais à faire ce soir là. Convaincre. Le but de tout cela n'était autre que de sceller un contrat. L'homme se faisait passer pour un gros poisson. Certes, cela était fort possible. Mais quelque chose en moi me disait qu'il mentait, qu'il gonflait ses exploits... et me gonflait à moi, aussi, tant qu'on y était. Fort de mes recherches sur lui, -simple précaution- j'étais arrivé un peu en avance, entouré de deux, peut être trois de mes hommes. Là, nous sommes entrés, avons réservé une table, au fond, dans un coin -la même table que je réservais habituellement, dans de telles occasions. Sauf que quelque chose n'allait pas. J'ai vu. J'ai vu ces types nous fixer, aussi discrètement que possible. Comme s'ils essayaient de nous espionner. J'ai vu ce gars, avec qui nous étions censés avoir rendez-vous, s'arrêter à la hauteur de l'un deux, comme pour lui donner un ordre. Et j'ai vu scintiller quelque chose, sous sa veste. Le canon d'une arme. Je crois que je commençais à comprendre: il voulait nous doubler. Et ça impliquait la volonté, le besoin de me refroidir. J'ai d'abord fait un signe de tête à mes hommes, afin qu'ils voient, tout comme moi, ce que je venais de remarquer. Et j'ai attendu que l'homme n'arrive à notre hauteur, s'installant à notre table comme si de rien n'était. Sans doute voulait il me descendre au moment le plus opportun, lorsque je lui tournerais le dos. Ce qui n'arriva pas. Car il suffit d'une "pause pipi" pour cet imprudent, pour que Bill, mon homme de main, ne le suive à pas de loup, et ne le plante, d'un coup de couteau dans le dos. Furieux, nous sommes ensuite partis. Il nous avait fait perdre notre temps. MON temps. Et je n'avais plus rien à faire ici. J'ai claqué la porte du bar, lorsque mes hommes sont tous partis, sans que je comprenne pourquoi, comme une horde de clébards stupides, fondant sur une proie. Je n'avais même pas eu le temps de voir sur qui ou sur quoi ils se jettaient, ni pour quelle raison ils semblaient en vouloir à ce point à cette... chose. J'étais persuadé que c'était d'un des hommes du fumier qu'on avait refroidi plutôt, dont il s'agissait. Voilà pourquoi je les avais laissé faire.
En temps normal, j'aurais sans doute été les aider, juste pour me soulager de toute la frustration accumulée plus tôt, dans le bar. A la place, je suis resté en retrait, allumant une cigarette:
- Cinq minutes, et on y va les mecs. Assez perdu de temps. Je n'ai pas tout de suite remarqué le téléphone glissant jusqu'à mes pieds. Mais lorsque j'ai vu le nom sur l'écran, mon regard divagant sur le sol, j'ai pali. "Angela Jones". Putain de merde. Même dans mon domaine, il fallait qu'elle vienne m'emmerder, celle là. C'était pas possible ! Et si ce mec était l'un de ses proches ? un frère, ou que sais-je ? sans attendre, j'ai volé me fondre dans la mêlée, pour arrêter le massacre, choppant deux de mes hommes de main par le col, et collant une gifle au dernier, duquel j'avais pris la droite en plein nez une seconde au par avant:
- STOP, STOP ! c'est fini ! on se calme les gars. Putain, mais vous avez été finis à la pisse ? Qu'est ce que je vous ai déjà dit ? Vous avez rien appris ? Putain, barrez vous. Barrez vous avant que je décide de vous coller une balle entre les deux yeux. Je pense n'avoir jamais été aussi persuasif que ce soir là, avec eux. Parce qu'en un claquement de doigts, ils ont disparu. Doucement, je me suis approché du type à terre, priant pour qu'il ne soit pas mort. Et m'accroupissant vers lui, j'ai lancé:
- Rien de cassé mon gars ?