Well... this had been fun. I should go. | Ryan

Ce soir, je suis de sortie. J’ai reçu une invitation pour une soirée mondaine de haute volée ! A peine arrivé à Washington que je suis déjà convié aux soirées de la haute. Je ne peux pas prétendre être surpris. Que ce soit à Albuquerque, Washington, Paris ou Tokyo, je reste l’étoile montante du Rap mondial. Et pourtant, une question me taraude quand même : pourquoi inviter un jeune rappeur à une telle soirée où se côtoient grands PDG, avocats réputés ou encore sénateurs ? Welcome to Washington DC, bro ! J’ai peur de faire un peu tâche dans cet environnement guindé. En plus, je n’ai même pas de smoking ! Mon plus bel ensemble se résume à un jean avec un seul trou au genou gauche ainsi qu’un blazer rose. Pas terrible. Mais après tout, c’est moi. Et s’ils ne m’acceptent pas comme je suis, je me caaaaaaaaaaaaasse ! Au revoir, à la revoyure, bon voyage, arrivederci, sayonara, adieu, bon débarras, bon vent, que le diable t'emporte à 312 km, ne reviens pas, que je ne te revois plus, hasta la vista, tire-toi et taille la route.

Le pire dans toute cette histoire, c’est que ma petite Laura ne peut même pas m’accompagner. Une soirée à la bibliothèque, apparemment. Ou quelque chose comme ça. En fait, je n’avais pas vraiment entendu. Elle m’en avait parlé entre deux mi-temps du match des Seahawks de Seattle contre les Rams de St Louis ? Autant dire que mon attention avait été focalisée ailleurs. J’avais du répondre vaguement « Oui, d’accord, très bien mon bébé ». En tout cas, organiser une soirée dans un endroit silencieux me paraît plutôt… étrange… M’enfin, si c’est son délire, je respecte. Je serai donc seul pour affronter tous ces inconnus en trois pièces à dix mille dollars. Je bippe mon chauffeur pour qu’il vienne me chercher au pied de notre immeuble. Je lui demande de prendre la Corvette Z06 jaune pour que tout le monde puisse me voir arriver. Ostentatoire, certes, mais c’est ce que j’aime. De toute façon, je serais déjà voyant avec mon blazer rose.

Sur la route, mon chauffeur me tend le carton d’invitation indispensable pour rentrer. Je lui demande de me rappeler le but de cette soirée. Si j’ai bien compris, c’est une vente aux enchères où seront exposés que des objets de grandes valeurs. Et en plus, les bénéfices seront reversés à une association. Ca y est, je déprime. Mais qu’est-ce que je vais aller foutre à une vente aux enchères ? Je passe un rapide coup de fil à mon agent pour savoir pourquoi elle m’a organisé cela. Elle estime que me montrer à une autre catégorie de personne peut élargir mon champ d’action. Sans compter sur la bonne image véhiculée. Elle voyait déjà dans les journaux : « Ryan Haggerty fait une généreuse donation aux enfants malades ». Moi je vois seulement une façon supplémentaire de m’emmerder toute la soirée. Enfin, maintenant qu’on est sur la route… Et avec un peu de chance, je pourrais gratter un maillot signé par Michael Jordan. Ou l’overboard du film « Retour vers le futur », s’il y a !

Arrivés sur les lieux, j’attends que Mike, mon chauffeur, ouvre la porte. Et là, c’est l’horreur ! Pas de tapis rouge ! Je suis excédé. Et ce n’est pas tout ! On m’oblige à faire la queue, comme tout le monde ! Je crois rêver. Heureusement que de nos jours, il y a les smartphones pour passer le temps. Je sors mon One Plus 6 et commence à regarder un épisode de Bojack Horseman sur l’écran. Je sens quelques regards se poser sur moi. Mon blazer doit les gêner. Je m’en fiche royalement, à vrai dire. Au bout d’un moment, je remarque que la fil n’avance plus. Un type, que je n’arrive pas à voir, fait un scandale pour entrer. Après avoir batailler dure, il obtient enfin le droit d’entrer et la fil se remet doucement à avancer. Quand mon tour arrive, je dois annoncer mon nom. Le type ne m’a même pas reconnu ! Je me demande vraiment ce que je fais là !

A l’intérieur, beaucoup de décoration chère… et moche ! Colonnes de marbre, lustres de diamants, verres en cristal… Bref, ce n’est pas le type de décoration que je mettrai chez moi ! Laura non plus, ça tombe bien… Enfin, je crois… Lorsque tout le monde est entré et a pris place à la table qui leur est attribuée. Je me retrouve avec un type d’aspect banale, barbe taillée, cheveux gominés à souhait, beau costard trois pièces, un autre à l’air strict, portant des lunettes à montures d’écailles et rasé de près, la bouche pincée et les yeux froids. Une femme vient compléter notre tablée. Tailleur noir, chapeau batiste couvrant des cheveux blonds coiffés en un chignon serré. Ben on va bien se marrer, moi j’vous l’dis ! Le commissaire-priseur arrive sur son estrade de chêne massif. Après un rapide discours de bienvenue dans lequel il nous rappelle pourquoi nous sommes réunis ici, il entame les enchères. Premier objet : un katana de collection, un Toyo Kaneshige du XVIIème. Bon, je ne suis peut-être pas venu pour rien ! Mis à prix : 2000 $. J’enchéris aussitôt à 2500 $ !