Le temps d'un jugement | Rose feat Elliott

Ma vie ne s'arrête pas qu'à la sortie du tribunal et aujourd'hui je dois faire mes courses. Mon frigo est vide, seul un oeuf et un yaourt périmé d'une semaine se battent en duel pour savoir qui sera mangé le premier. Je n'aime pas faire ça, c'est une corvée pour moi mais il faut que je mange, je ne peux pas manger au restaurant tous les midis. Ce n'est pas parce que je manque de sous mais bien parce qu'il faut que je prenne soin de moi et de mon corps.

J'arrive à 18 heures à la supérette "Trader's Joe". J'ai mes habitudes dans cette chaîne de magasin qui s'est installé en ville il y a quelques années maintenant. Je croise rarement de personne que je connais ou dont j'aurai pu juger les crimes ou leur innocence alors cette endroit me convient parfaitement. Je n'aime pas croiser ces personnes dont j'aurai eu à juger et décider de la suite de leur vie. Après tout, je me demande parfois de quel droit je peux décider de la liberté ou non d'un individu au même titre que moi. Mais je met rapidement cette idée de côté afin de pouvoir continuer à vivre.

Je rentre dans la supérette, la nouvelle chanson de Ed Sheeran couvre le silence du bâtiment. Je commence à arpenter les différents rayons. Les individus autour de moi son silencieux et ils se baladent dans le supermarché comme pour chercher un sens à leur vie plutôt qu'un paquet de jambon. Je saisie un paquet de gruyère et une plaquette de beurre et lorsque je me retourne pour les déposer dans mon panier je percute un grand jeune homme, un peu énervée je relève la tête et là c'est le flash. Je reconnait ce visage si particulier. J'ai déjà vu cette carrure et je crois bien que c'était au tribunal.

Je me souviens de cette journée il faisait beau, c'était au début du printemps, les fleurs commençaient à sortir. Je ne regardai pas vraiment les fleurs et d'ailleurs je n'aimais pas ça, bien trop romantique pour moi. J'avais une journée où j’enchaînais les affaires de tous genres, les avocats allaient se battre devant moi, faisaient leurs courbettes afin que j'aille dans leur sens. Ça n'arrivait pas souvent en tout cas pas pour leur courbette, j'avais besoin de faits pour prononcer mon jugement. Après un meurtre, un viol en réunion j'avais le droit de juger un jeune homme qui complètement bourré s'était retrouver nu dans la rue. C'était une affaire assez simple en théorie mais dans les faits cette affaire n'a pas été si simple à juger.

Croiser des accusés dans un endroit neutre me mettant sur le même pied d'égalité qu'eux était particulièrement gênant. Le fait de ne plus avoir cette robe de juge me faisait perdre du pouvoir. Je demandais toujours comment je devais me comporter à ce moment. Devais-je garder ce sentiment de supériorité ou devais-je me comporter comme quelqu'un de "Normal" ? Le jeune homme qui faisait deux ou trois têtes de plus que moi me salue m'identifiant comme "Madame le juge". Je reste choquée devant lui ne sachant que lui répondre, le pot de crème que j'ai précédemment pris dans le rayon me glisse des mains à cause de l'humidité des rayons. Avec un peu de chance il ne s'ouvre pas, je me détache de son regard pour ma baisser et récupérer le pot. Cependant avant même que j'atteigne le pot, l'ancien accusé le ramassa et me le tendit.

"Bonjour Monsieur Collins et merci pour le pot."

Nous sommes plantés dans les rayons du magasin et nous gênons les différents autres passants. Une vieille dame s’arrête près de nous et d'un aire pas très aimable elle nous cria dessus : "Vous ne voyez pas que vous gênez là !! Quelle idée de s’arrêter en pleins milieu d'un magasin!" Nous nous décalons pour la laisser passer et nous l'entendons gémir quelques mots du style : "Ah ces jeunes qui ne pense qu'à eux ! Tous les mêmes ! " Nous la laissons partir en la regardant.

Je me concentre sur l'homme en face de moi qui a l'air tout aussi perplexe face à ses comportements tout aussi irrespectueux. Après tout, il est possible de dire ces mêmes choses d'une autre manière sans agresser les gens, et sans penser que seule l'ancienne génération est parfaite.

"Pour revenir à votre question, je vais bien et vous comment allez vous depuis... le jugement ? "

Il n'avait pas l'air d'être très rancunier ce jeune homme, il avait pourtant écopé d'une belle amende financière, bien que l'acte commis n'en reste pas des moins condamnables.

Codage par Libella sur Graphiorum