l'alcool c'est de l'eau | Dani ♥

L'un des premiers signes qui nous font penser qu'on a passé une bonne soirée, est bien souvent, paradoxalement, de ne se rappeler de pas grand chose au réveil. Et curieusement, c'était mon cas, ce matin là. Totalement engourdi, la bouche pateuse, et un mal de crâne à faire réveiller les morts, je me réveillais en râlant légèrement. Putain de soleil dans la tronche. J'aurais pu dormir dix millénaires de plus, si j'avais eu des volets dignes de ce nom.
Après quelques secondes à compter mes cheveux -chacun d'entre eux me faisait souffrir et me rappelait la cuite médiévale que je m'étais prise la veille au soir-, je pris le parti de me retourner pour me rend... ma main butta sur quelque chose. Ou plutôt: quelqu'un. Je me suis redressé doucement, espérant peut être me rassurer sur mes goûts d'homme saoul, en matière de gente féminine. Et j'ai doucement fait glisser le drap, afin de découvrir la déesse qui se cachait là dessous.

J'ai immédiatement remonté le drap sur elle, pris d'effroi. Ma soeur. Ma soeur. Dans mon lit. En sous vêtements. Et moi. En caleçon. Moi qui me réjouissais d'avoir ramené une nana, il fallait que je tombe sur ma soeur. J'avais du faire un truc épouvantable, dans une vie antérieure, pour mériter un truc pareil. Et j'avais peur., me sentant soudain sale Putain, mais qu'est ce qu'on avait fait ???!!!

-Oh non putain, pas toi !

En temps normal, j'aurais été heureux, de passer du temps en compagnie de ma petite soeur. Mais à cet instant, je paniquais. Les pensées bloquées dans mon crâne tournaient, pelle-mêle, me faisant perdre la boule. Je crois que je ne m'étais jamais senti aussi paniqué. Enfin... si. Peut être lors de cet épisode, avec les prostituées, dont ma soeur, une fois encore, était l'une des "héroïnes". Nom de dieu, décidément, elle m'en fera voir de toutes les couleurs encore longtemps, celle là.

Sautant du lit comme si j'en étais expulsé par un quelconque champ de force, j'ai rapidement remis la main sur ma chemise, que je passais en hâte, avant de faire les cents pas, passant frénétiquement une main dans mes cheveux, à mesure que je réfléchissais. Rien. C'était le néant dans cette foutue caboche. Il devait obligatoirement y avoir une explication logique. Mais laquelle? Ressassant, continuant de faire les cents pas, rongeant mes ongles, j'ai fini par balancer, d'un ton plein de désillusion, priant pour une réponse négative, qui irait dans mon sens:

- On a pas... si ?

Mais à l'instant où cette idée me traversa l'esprit, des images me revinrent, violement. Dani, dans mes bras, bien trop près. Aussi près que lorsque je serrais Charlie contre moi et qu'elle me réconfortait. Curieusement, cette image ne me rassurait pas. Que du contraire. Et puis je me suis senti mal, trop mal. Sans plus attendre, j'ai couru aux toilettes, rendre les litres d'alcool que j'avais ingéré la veille au soir. Sexy. Bon, vous allez me dire, à cet instant, je me foutais, de la classe que je pouvais dégager. Ma soeur était dans mon lit, et j'avais d'autres emmerdes à tenter de résoudre. Je me confesserais à la prêtresse de la mode plus tard, quitte à hypothéquer mon appart pour acheter un complet créé par Saint Laurent, pour me faire pardonner.

Allégé d'un poids, qui n'était pas celui sur ma conscience, je me suis passé de l'eau sur le visage, avant de reprendre mes airs calmes, que j'ai habituellement en toutes circonstances, et suis revenu auprès de ma soeur, passant une main sur ma joue:

- Bon... ok. Procédons calmement. Tu te souviens de quelque chose ? c'est quoi, le premier truc qui te revient ? Pour ma part... j'crois que c'est les Strobos du sunset. Ah... les stroboscopes. Invention de Satan qui pouvait causer des crises d'épilepsies et autre cécité temporaire, s'ils étaient mal réglés, comme c'était le cas dans cette boite. Mais ils auraient peut être le mérite de me faire retrouver la mémoire: je tenais un truc, j'en étais convaincu !

C'était pas ce que je disais hier soir ? c'était pas ce que je disais hier soir ? comment ça , c'était pas ce que je disais ? Je paniquais de plus en plus, bordel, non, c'était impossible. Et elle, elle savait ?! Et elle ne m'avait pas empêché ? c'était  tout l'effet que ça lui faisait, de savoir ça ? putain, je n'étais  même pas certain de pouvoir la regarder à nouveau dans les yeux. J'étais dégoùté, sali, déshonoré. Et le pire dans tout ça, c'est que cette fois, je ne pouvais pas péter la gueule du connard s'étant tapé ma soeur en cas de besoin, parce que ce gars, ce monstre, c'était moi. J'étais totalement paumé. Il était vrai que plus d'une fois, j'avais pu lui dire qu'elle était bonne, et que l'avoir pour soeur, c'était pire que d'avoir Scarlett Johansson dans son lit et de décider de dormir dans la baignoire. Mais ce n'étaient que des vannes ! bordel, qu'est ce qui nous avait pris ? En colère, ne comprenant rien, apeuré, je lui lançais, surpris et déçu de son comportement:

- Ah parce qu'en plus tu te souviens ??? Et t'as rien dit pour protester, t'as rien fait ? C'est tout l'effet que ça te fait? Putain mais qu'est ce qu'on va faire ?!

Je tournais, faisant les cents pas, gigotais nerveusement, ne parvenant pas à me raisonner. Je transpirais à grosses gouttes.

-Putain puis il fait chaud dans cette piaule de merde !

S'énerver ne servait à rien, je savais bien. Mais ça me soulageait un peu. Et puis qui sait. C'est peut être en tapant dans le mur, que je trouverais la solution. Newton avait bien trouvé la gravité en dormant sous un pommier, lui.

Mais à rester tendu ainsi, je l'entends éclater de rire derrière moi, ce qui me fit me stopper net dans mon élan.

-Attends... tu te foutais de ma gueule, là ?  j'ai soupiré, tentant de me calmer, passant la tête par la fenêtre que je venais d'ouvrir afin de profiter du peu d'air qu'il pouvait y avoir à l'extérieur, avant de reprendre, d'un ton plus posé: remarque... je préfère ça.


Et tentant de calmer ce mal de ventre causé par la peur que j'avais eu, j'ai attentivement écouté  ce dont elle m'expliquait se souvenir, fronçant les sourcils:

- Oui... Oui ! Ce mec, ça me dit quelque chose, maintenant. Je crois qu'il insistait de trop, t'arrivais pas à le faire partir ! alors j'ai lâché ma conquête de la soirée, et... après... merde, je me souviens pas. Euh... attends. J'en étais où déjà. La meuf avec qui j'étais... Vanessa. ou Melissa. Maria ? merde. Un truc qui finissait en "a" ACTIVIA ! ah. Non. Ca c'est un yahourt. Bref. Cette nana là. On avait déjà pas mal bu, toi et moi... Putain j'me souviens de rien...

Tentant de m'occuper l'esprit, convaincu que la mémoire reviendrait d'elle même, je me suis dirigé vers ma cafetière. On allait avoir besoin d'une grosse dose de caféïne, vu l'énergie qu'on allait devoir accorder à nos souvenirs afin de recoller tous les morceaux du puzzle chaotique que semblait être cette soirée...

Peut-être que j'y étais allé un peu fort, avec ma soeur. Mais il fallait me comprendre ! j'avais peur. Enfin... comprenez moi ! j'étais là, tranquille dans mon lit, à récupérer un lendemain de veille... et soudain, m'apercevant que cela bougeait sous les draps... j'ai réalisé que c'était ma soeur ! merde ! Quel taux de probabilités y avait-il pour que cela arrive ?
Bon, bien évidemment, nous avions déjà dormi ensemble. Pris notre bain, ou encore couru à poil dans les champs, aussi rares fussent ils par ici. Mais nous avions cinq ans, peut être moins ! à cet âge, on ne se rendait pas compte, aussi innocents que des enfants pouvaient l'être... d'ailleurs, peut-être avez vous, vous aussi, fait ce genre de choses, petits. Eh bien... imaginez vous, adultes, refaire ce genre de choses, avec vos frères, soeurs, cousins, cousines, ou autres personnes de plus où moins votre âge que vous auriez connu gamin! avouez que la situation serait assez perturbante, voir gênante. Pas sûr que vous puissiez regarder à nouveau cette personne dans les yeux après cela. Surtout quand de l'alcool est finalement entré en compte dans l'histoire. Aucun souvenir. Juste un vague doute, et pas des plus rassurants.

Il était vrai, que je m'en voulais, d'avoir parlé à ma soeur ainsi. Fallait dire que j'avais jamais parlé comme ça à qui que ce fut. Pas même à mon chien. Ma panique calmée, j'ai enfin bredouillé que j'allais faire le café, prenant mon paquet de cigarettes sur ma table de nuit, et ouvrant la fenêtre.... Et une fois mon café préparé, j'ai attendu qu'il ne passe dans la machine. C'était un travail d'équipe quotidien, cette affaire. Moi, et ma cafetière. Enfin soit. Tentant de réfléchir à tout ça, avec le recul du mec qui tente de redevenir sobre plus vite que de raison, j'ai finalement allumé ma blonde -non, pas ma soeur, ma clope, suivez, un peu !- et soupiré, passant une main dans mes cheveux en bataille, sales de la veille et très probablement fortement imbibés d'alcool. J'étais un véritable déchet.

- J'suis désolé... J'ai été con. Heu... bon. Reprenons. On a une piste, c'est déjà pas si mal ! et puis... j'suis sûr qu'une fois qu'on se sera souvenu... on se marrera comme des cons. C'est encore assez bien notre style, hein ?

Hypnotisé par la danse subtile de la fumée entre mes doigts, j'ai mordillé ma lèvre inférieure, me suis tu , réfléchissant bon train, tentant de recoller les morceaux et comprendre les incohérences. Et lorsque Dani évoqua ce mec, j'ai commencé à comprendre... difficilement. Je croyais comprendre le fond de tout cela. Mais la forme, les détails, n'étaient pas encore avec moi.

- Je me souviens avoir largué Danone, lorsque j'ai vu que tu me faisais des signes. Comme c'est pas mon genre de m'occuper des gars qui te draguent... J'pense qu'il avait pas du y aller de main morte... ou du moins, avoir un comportement assez déplacé pour que j'agisse. Surtout s'il est revenu à la charge.


Minuit. Il n'était pas rare qu'Elliott se perde dans la vingt-cinquième heure. En réalité, c'était une habitude pour lui. Une façon de défier la peur, d'oublier aussi. Ou du moins, de calmer la douleur. Car si Charlie n'était plus là, elle était pourtant toujours avec lui. Elle le hantait. Les nuits à se demander pourquoi, celles à se juger coupable.Il l'avait trahie, incapable de tenir sa promesse envers elle: il l'avait laissée mourir. Il avait échoué.
La nuit, c'était comme évidence, pour Elliott. On pouvait y voir tellement de choses. Le sens du rythme de cette femme, battant la mesure au son de son mp3 alors qu'elle attendait son taxi. Ces jeunes, à peine plus jeunes que lui, insouciants, et leurs paris stupides. Peut-être regretteraient ils, au lendemain. Les couples qui se faisaient et se défaisaient. Le rêve d'une belle idylle qu'on aurait, ou peut être pas, tout dépendait de la chance que l'on choisirait  de lui donner. Les nuits reposantes, et pourtant si agitées d'une enfant dormant dans les bras rassurants et forts de son papa. Et les remords.

Alors Elliott sortait pour s'amuser. Il savait, qu'il ne dormirait pas, de toutes façons. Ce soir là, c'était sa soeur, son alibi. Il n'était même pas certain qu'elle en était consciente, et c'était peut être même mieux ainsi, quand il y repensait. Et puis... sa soeur était l'évidence même d'une soirée qui s'annonçait fabuleuse. Ils avaient toujours été sur la même longueur d'ondes. Quelques heures dans la boite eurent raison de lui. Il était saoul, draguant une fille qui, avec le recul, ne lui plaisait pas tant que ça. Il ne savait même pas pourquoi il faisait ça. N'écoutant pas les jérémiades de cette idiote, il cherchait sa soeur du regard. Et c'est là qu'il l'a vue. Son regard, il aurait pu le reconnaitre entre mille. Et celui-ci semblait lancer des messages d'alerte. Il  a alors prétexté devoir partir, sans même être certain que la brunette aie terminé sa phrase.... Qu'est ce qu'elle pouvait bien raconter ? Et c'est là, qu'il a accouru:

- Salut. E...Ed. Moi, c'est Ed ! Samanta, un problème mon amour ?

Bien sûr, qu'il y avait un problème.Il le savait pertinemment, et cette phrase avait suffi à faire partir le gars... du moins pour un temps. Car il suffit d'une minute d'absence, le temps pour Elliot d'aller chercher deux verres, que l'homme tournait à nouveau autour de sa soeur. Furieux, il revint ventre à terre:

- Dis donc, connard, On t'a jamais dit que c'était mal d'harceler les femmes ? c'est à cause d'enculés comme toi, qu'on a tous des réputations de fumiers !

Et après lui avoir craché au visage, il lui mit son poing dans la figure... Bien sûr, l'autre ne resta pas en reste, assénant à Elli une droite bien sentie, dans le nez.


Je fronçais les sourcils, j'avais un mal de crâne terrible. Comme si tout le savoir du monde venait de me tomber dessus, là, en quelques secondes. Touchant mon nez, j'ai grimacé. Il me faisait un mal de chien, et je réalisais seulement à cet instant que je ne pouvais plus respirer que par la bouche. Cet enfoiré m'avait pété le nez. Dans un sourire amusé, j'ai lancé à Daniella:

- J'savais que je t'aimais, que j'avais été un peu fort avec certains de tes copains de l'époque... mais j'étais jamais encore été jusqu'à me faire péter le nez pour toi. Dani, ma soeurette... je mon amour pour toi me surprendra toujours !

Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour ma soeur et moi, qui en savions maintenant un peu plus sur cette affaire... continuant de réfléchir, j'ai lancé mon mégot par la fenêtre et lui ai demandé dans un sourire:

- Café ?